Les malheurs de la petite silène

Publié le par aclcla

tout d'abord, je m'excuse d'avoir mis "silène" au féminin dans mon titre. C'est juste que ça sonnait mieux. Et on verra de toute façon que les questions de genre chez cette fleur sont sujettes à débat.

Les silènes donc sont de petites plantes à fleurs très répandues dans les milieux tempérés. Vous pouvez trouver sur wikipedia un listing d'un certain nombre d'espèces reconnues valides, mais là tout de suite on s'en fout un peu. Prenons donc une de ces espèces (pas complètement) au hasard : Silene latifolia.

Cette plante est dioïque. C'est à dire qu'il existe des pieds mâles et des pieds femelles. Elle est verte à feuilles blanches et elle pousse par terre et... bon le plus simple est de la montrer :


Cette fleur (comme beaucoup d'autres qui lui sont apparentées), est parasitée par un champignon Basidiomycete, Microbotryum violaceum, qui passe l'hiver dans les parties végétatives de la plante, puis se développe spécifiquement dans les anthères (la partie mâle) de la fleur. Un peu comme le Choanophora vu dans une précédente note. Il cause un syndrome maladif connu sous le nom de "anther-smut disaster". Comme d'habitude, on va poser 2-3 questions et tacher d'y répondre :

cycle de vie de Microbotryum. a:fleur infecté. b: dépot des spores par un insecte sur une fleur non infectée. d-e-f-g-h:développement du champignon dans la partie végétative de la plante nouvellement contaminé.
source

Pourquoi se développer spécifiquement dans les anthères ?
Tout simplement pour profiter du système hautement perfectionné de pollinisation de la plante. Le schéma idéal étant : les insectes viennent butiner les fleurs mâles, se chargent de pollen, et le déposent ensuite sur les fleurs femelles, permettant à la plante de s'assurer une fécondation croisée (il vaut mieux, quand on est dioïque). Cette fois-ci, les insectes se chargent de téliospores produites par le champignon au lieu de pollen et infectent toutes les fleurs qu'ils visitent après ça...
Microbotryum est donc pour les silène une maladie sexuellement transmissible par les abeilles.

Comment faire quand on tombe sur une fleur femelle ?
Bah oui, une fois sur deux (environ), la téliospore du Basidiomycete malintentionné tombe sur un silène femelle (d'où le titre sur "la petite" silène). Se répandre dans la partie végétative pendant la mauvaise saison ne pose pas de problème. Mais comment contaminer des anthères qui ne se développent pas ? La réponse est extrèmement simple : on les fait se développer. La présence du champignon induit le développement complet d'anthères même chez les fleurs des pieds femelles. Ces anthères sont stériles et ne contiennent que des téliospores de Microbotryum.
Microbotryum cause l'apparition de transsexuels dans la population de silènes.

Bilan :
Au danger d'être taxé de provocateur, je concluerai en disant que chez les silènes la transsexualité est une maladie sexuellement transmissible. Et je salue la performance d'un champignon capable de manipuler son hôte de façon si élégante.
Et pour ceux qui voudraient vérifier au cours d'une ballade que ces divagations sont fondées, je les invite à observer les fleurs de petites caryophyllaceae et à noter la couleur du pollen porté par les étamines. Si dans une même population vous observez du pollen (jaune-blanc-orange...) et du pollen violet, alors le pollen violet est en réalité composé de Téliospore d'un champignon du type Microbotryum violaceum.

                     
à gauche Silène acaule infecté, à droite Silène acaule sain

Publié dans Parasites !

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