De l'utilisation d'auxiliaires de culture

Publié le par aclcla

La culture biologique interdit l'usage d'engrais et de pesticides de synthèse. Ce qui n'exclut pas la lutte par l'ajout d'êtres vivants qui vont fabriquer exactement le même engrais ou pesticide dans le champs.

C'est ainsi que si vous extrayez la toxine produite par Bacillus thuringensis en culture dans un réacteur, pour l'épandre dans votre champs, vous faites de l'agriculture conventionnelle. Si vous intégrez le gène codant pour la toxine en question dans votre plante, vous fabriquez un horrible OGM. Alors que si vous balancez sur votre champs des tonnes de ladite bactérie vivante (produite en réacteur, toujours), vous utilisez un moyen de lutte biologique : un auxiliaire de culture.

Le cadre étant posé, prenons comme d'habitude un exemple anecdotique concret et non humain :

Les héros de l'histoire "classique" :

Acromyrmex octospinosus est une assez grande fourmi qui comme son nom l'indique est toute pleine d'épines, ce qui lui donne un air franchement pas commode (pire que le pinson vampire). Cet aspect martial cache toutefois un coeur sensible et altruiste (regardez ces deux amours qui s'embrassent si c'est pas mignon*), et un mode de vie plus orienté "paysan" que "seigneur de la guerre", comme on va le voir tout de suite.

  notons que, l'animal est quand même une espèce invasive
dans notre beau département de Guadeloupe.


Leucocoprinus gongylophorus est un champignon Basidiomycete. C'est un champignon saprophyte, capable de digérer des débris végétaux de toutes sortes. Comme son nom de genre l'indique, sa fructification ressemble à celle d'un banal coprin blanc bien de chez nous. Et comme son nom d'espèce l'indique, il peut porter dans certaines conditions des gongylidies, à savoir des renflements remplies de victuailles à l'extrémité de ses hyphes.

 

à gauche : vue générale du mycelium. à droite : zoom au microscope électronique sur un amas de gongylidies.
source : INRA.


L'interaction entre ces deux espèces est bien connue, il s'agit d'une magnifique symbiose, assimilable à une forme d'agriculture animale :
- le champignon fournit à la fourmi de la nourriture sous forme de gongylidies pleines de bonnes choses qui servent à l'alimentation des jeunes.
- la fourmi fournit au champignon un abri, se décarcasse pour lui trouver à manger, et assure sa dispersion (via la dispersion des jeunes reines).

L'objectif de cette note est de poursuivre l'analogie en faisant intervenir deux intervenants supplémentaires :

Les nouveaux venus :

Escovopsis est un genre de champignons Ascomycetes "parasite nécrotrophe" du champignon cultivé par la fourmi. C'est à dire qu'il progresse dans la culture en boulottant son hôte petits bouts par petits bouts. Je ne met pas de photo car il est vraiment moche (vu que c'est le méchant dans l'histoire, ça tombe bien).

Pseudonacardia est un genre de bactéries Actinomycetes (encore un "mycete" mais cette fois ce n'est pas un champignon donc). Cette bactérie se trouve en abondance à la surface de la cuticule de la fourmi et dans sa poche infrabuccale. En fouillant un peu sur google, vous pourrez trouver facilement des photos d'Acromyrmex en vue ventrale montrant les taches blanches que forment les bactéries à l'avant du thorax.

Observation au microscope électronique du développement de la bactérie filamenteuse sur la cuticule d'Acromyrmex octospinosus. à gauche ouvrière de 3 jours, à droite ouvrière de 7 jours.

La nouvelle histoire :

Devant le constat que ses cultures de champignons sont attaquées par un puissant pathogène, la fourmi réagit en  :
- récoltant les champignons de la zone infectée.
- les comprimant dans sa poche infrabuccale pleine de bactéries capables de secréter un antifongique.
- déposant la bouillie résultante à coté de la zone de culture.
La fourmi élimine donc un ravageur de sa culture de champignon par l'emploi d'un auxiliaire bactérien.

Pseudonacardia se nourrit grâce à des secrétions glandulaires de la fourmi,  et la quantité  de bactéries présente sur le corps de la fourmi est positivement corrélée au degré d'infection expérimentale de la colonie. Il semblerait donc que la fourmi puisse contrôler la prolifération de sa bactérie symbiotique pour répondre à un besoin de stérilisation plus ou moins important (encore que la relation de causalité ne soit pas formellement démontrée).

 

une ou deux publis traitant du sujet (la littérature sur ce sujet très vendeur abonde) :

Currie, C.R., Mueller, U.G. and Malloch, D. (1999) ‘The agricultural pathology of ant fungus gardens’, Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 96:7998-8002 :

J. J. Boomsma and D. K. Aanen (2009). Rethinking crop-disease management in fungus-growing ants. PNAS 106, 17611-17612



* Ce bisou est en réalité une trophallaxie. Le mot est un peu plus classe mais le concept d'un acte à vocation sociale reste le même.

 

Publié dans Mutualismes

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Commenter cet article
M
<br /> mierda de toro<br /> une fourmis qui cultive des champignons, n'importe quoi!<br /> attention à la gougelonisation des cerveaux, surtout si tu veux travailler dans le monde de la finance.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> certes,<br /> <br /> devant un argumentaire d'une telle puissance, je ne peux que m'incliner !  <br /> <br /> <br />